dimanche 12 août 2012

Enquête sur la crise post-electorale: Ces chiffres qui contredisent le Rdr


Les premiers chiffres sortis de l'enquête nationale sur la crise post-électorale dénotent le souci d'objectivité qui a guidé les auteurs du rapport. Il ressort en effet des chiffres qui ont été, pour l'heure, rendus publics, que les forces qui combattaient pour les deux camps belligérants se sont rendues coupables de graves violations des droits de l'homme, notamment du droit à la vie.

L'enquête révèle que les forces favorables à l'ancien président Laurent Gbagbo, tout comme celles favorables à Alassane Ouattara, ont commis des crimes.

Sur les 3248 morts dénombrés par la commission d'enquête, 1452, dont 1009 exécutions sommaires, sont attribués aux ex-Forces de défense et de sécurité (Fds) pro-Gbagbo. Quant aux Forces républicaines de Côte d'Ivoire( Frci), elles sont accusées d'avoir tué 727 personnes, dont 545 exécutions sommaires. Les dozos, considérés comme des supplétifs des Frci, sont accusés d'avoir causé la mort de 200 personnes. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces premières données statistiques entrent en collision avec les chiffres balancés, le 1er août dernier, par le parti au pouvoir.

Dans une déclaration produite par son secrétariat national aux droits de l'homme, le Rdr avait en effet communiqué sur certains chiffres supposés refléter les crimes commis pendant les violences post-électorales. A l'approche de l'audience de confirmation des charges de l'ancien président, initialement prévu pour le 13 août, il s'agissait d'accabler le célèbre prisonnier de Scheveningen en montrant les horreurs dont les forces combattant pour son compte se sont rendues coupables. Sous la plume de Me Coulibaly Soungalo, le parti au pouvoir avançait que, sur les 3000 morts occasionnés par la guerre de mars-avril 2011, « il y a au moins 98% de personnes dont les noms patronymiques sont de consonance nordique ou malinké ».

Autrement dit, sur les 3000 morts, 2940 sont des Nordistes ou Malinké. Comment le parti au pouvoir a-t-il fait pour savoir que ces 2940 victimes portaient des noms à consonance nordique ?  Par ailleurs, contrairement à ce qu'avance le Rdr,  l'enquête diligentée par le gouvernement est pour l'instant muet sur l'identité et l'état civil des tués. Mieux, elle indique que les pro-Gbagbo ont tué 1452 personnes sur les 3248 morts répertoriés par les enquêteurs. 

Si on suppose que les forces proches de l'ancien président ne pouvaient s'en prendre qu'aux partisans de Ouattara et ses alliés, on pourrait en déduire qu'elles ont ôté la vie à 1452 pro-Ouattara et non à 2940 soit les 98 % dont parle le Rdr. Encore que l'enquête n'a pas encore dit si les 1452 personnes tuées sont des ressortissants du Nord ou des Malinké. Par ailleurs, la même enquête contredit un autre chiffre avancé par le Rdr. Dans la même déclaration signée de Me Soungalo, il est en effet indiqué que 96 % des 3000 tués sont des militants du Rdr, soit 2880. Or, l'enquête ne fait état que de 1452 personnes tuées par les forces pro-Gbagbo. Des morts qu'on pourrait considérer comme des partisans de Ouattara.

On est donc loin des 2880 soit 96 % dont parle le Rdr. Encore qu'on est bien curieux de savoir comment le parti au pouvoir s'y prend pour savoir que ces morts sont des militants de son parti, d'autant que l'enquête officielle n'a jusque-là rien sur la couleur politique des personnes tuées. Au total, les premiers chiffres révélés par l'enquête diligentée par le gouvernement battent en brèche les statistiques avancées récemment par le Rdr en vue d'accabler Laurent Gbagbo dans l'espoir de voir confirmer les charges qui pèsent sur lui.

A.N


: L'inter N° 4258 du 10/8/2012)

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